Voici le beau parcours d’un collègue de Saint-Dizier, Laurent Bastien, rencontré à l’occasion des Printemps de l’Archéologie 2019 qui a monté une classe archéologie dans son établissement. Il a eu la grande gentillesse de rédiger cet article à l’attention de notre association. Merci à lui et bonne lecture !

La genèse

À Saint-Dizier, en Haute Marne, en 2002 des tombes de chefs francs ont été découvertes. À partir de cette date un engouement pour l’archéologie s’est développé dans la ville et sa région.

En 2013, le député-maire Francois Cornut-Gentille a proposé à différents professeurs, principaux de collège ou proviseurs de lycée de nous aider, de nous soutenir pour faire de l’archéologie en classe. C’était pour notre collège en REP + une manière originale de mettre en place un parcours d’Éducation Artistique et Culturelle (EAC).

Après acceptation, j’ai eu un an pour réfléchir aux stratégies, aux modalités de cette classe. Créer une classe de A à Z est un dilemme mais aussi une magnifique réflexion pédagogique.

Peu à peu un projet à 3 branches fut mis en place peu à peu et chacun a trouvé sa place :

  • Un soutien financier et matériel de la mairie
  • Un soutien scientifique de la part de l’Inrap (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives) avec un référent unique, un archéologue qui répond à toutes nos interrogations et nous fait bénéficier de son réseau pour avoir des interventions en classe.
  • Un soutien pédagogique de la part de l’Education Nationale qui octroie des heures.

Un projet pluridisciplinaire

L’archéologie est abordée dans presque toutes les disciplines scolaires de la classe de 6ème dite « classe archéo ».

Souvent, le point de départ de notre année est la découverte d’un grand site archéologique. À la suite d’une visite de l’ancienne ville gallo-romaine de Grand dans les Vosges, le professeur de mathématiques a axé plusieurs de ses séances de symétrie axiale sur les mosaïques. Le projet a pris de l’ampleur et un mur du collège commence à être rempli de mosaïques construites par les élèves.

En SVT , à la demande du professeur un carpologue est venu et un long travail autour des graines a été effectué.

Mais peut-on faire de l’archéologie dans des matières qui paraissent à priori loin de cette discipline ?

Le professeur d’Education Musicale a relevé le défi.

Après avoir travaillé sur un livre d’instruments de musique de la période préhistorique, elle a aidé les élèves à en réaliser des affiches puis, avec le professeur d’Arts Plastiques a créé ses propres instruments comme des sonnailles ou des racloirs en os. Chaque année, devant les parents, un petit concert vocal et instrumental est proposé. Les textes sont créés par les élèves et les instruments sont sollicités.

Un partenariat avec des professionnels

Le référentiel de l’EAC insiste sur l’importance du partenariat et la rencontre avec des professionnels.

Dans ce projet, l’Inrap est notre partenaire privilégié.

L’intervention d’un lithicien (spécialiste des pierres anciennes) correspond aux 3 piliers de l’EAC :

  • Fréquenter en rencontrant un spécialiste, et en affinant son parcours avenir par la découverte de champs professionnels.
  • Pratiquer, en apprenant des techniques particulières comme la taille d’un silex.
  • S’approprier des connaissances en utilisant un vocabulaire précis.
L’intervention d’un lithicien de l’Inrap.

Un archéologue de l’Inrap a aussi créé dans notre collège un simulateur de fouilles.

Il a été construit en respectant les couches géologiques et historiques ; le mobilier mis à l’intérieur est composé de reproductions d’objets anciens comme des micro-vases romains, répliques exactes des œuvres du musée de Saint-Dizier.

Lorsque les élèves ont acquis des méthodes scientifiques de fouilles, ils partent sur un vrai chantier, celui des Crassées à Saint-Dizier où ils fouillent pour de vrai, encadrés par des étudiants en archéologie.

Fouilles sur le site des Crassées.

Les tutorats

Le référentiel d’EAC indique aussi que la démarche implique l’élève en l’engageant personnellement dans un projet. Pour ceci, nous avons pensé que la coopération par le biais des tutorats pouvait rentrer dans cet engagement individuel. Chaque élève de 6ème est tutoré par un lycéen. Il devient aussi lui-même tuteur d’un maternelle.

Lana tutorée puis à son tour tutrice.

Ici Lana écoute les explications de sa tutrice de lycée sur la dendrochronologie, l’âge des arbres. Pour être certain que la notion fut bien comprise, les 6èmes savent que la semaine d’après, ils iront en maternelle la réexpliquer. La même Lana refait le travail identique avec une petite fille de 5 ans.

Tout le monde travaille sans se sentir obligé car l’élève se sent enserré dans un filet bienveillant de tuteur-tutoré. S’approprier et transmettre fait aussi partie de l’EAC.

En conclusion, je dirai que les élèves de la classe archéologie sont un peu les médiateurs de cette discipline sur la ville ; ils présentent leurs découvertes dans les autres écoles, dans les autres classes du collège et même dans des maisons de retraite. Lors du premier festival d’archéologie de Saint-Dizier (fin mars 2019), ils ont été membres du jury jeunesse du volet cinématographique et ont pris leur tâche très au sérieux.

Pour certaines notions à acquérir, le collège n’a pas assez de matériel à sa disposition.

Au contraire, dans les lycées, il y a beaucoup d’outils dans les laboratoires de sciences.

Souvent la première rencontre avec le tuteur lycéen se fait autour de la mesure et de la reconnaissance des crânes. Le lycéen a déjà travaillé la notion avec son professeur, puis quelques temps après, les 6èmes arrivent et la notion est réexpliquée, transformée avec des mots adaptés aux plus jeunes. Le transfert se déroule sans l’intervention de l’enseignant de manière presque naturelle. La notion sera aussi réexpliquée à des maternelles par le 6ème.

Laurent Bastien