« La critique est facile, l’art est difficile » nous dit le dicton. C’est avec beaucoup de précautions que j’entreprends la critique des manuels scolaires nés de la réforme du collège. D’abord parce que les délais ont été brefs et que j’imagine bien le travail en amont des auteurs et éditeurs. Ensuite, parce que la majorité des manuels témoigne d’un grand sérieux et même, pour certains d’entre eux, d’une audace inattendue. Enfin parce que nos repères de professeurs changent. Qu’est-ce qui fait un bon manuel aujourd’hui ? Assurément pas les mêmes critères qu’hier. En même temps, nous n’avons pas tous les mêmes pratiques professionnelles, les mêmes publics et les mêmes domaines de spécialité. La définition des critères n’est donc pas simple. Elle se fonde à la fois sur un vécu professionnel et sur une projection de ce qui nous attend en septembre. Par ailleurs, tout critère est intrinsèquement discutable : ainsi, un long cours rassure mais n’est pas forcément très réaliste. Il faut pouvoir boucler le programme ! Voici donc mon ressenti sur les premiers manuels que j’ai pu parcourir pour la 5ème.
Quelques remarques globales.
Tout d’abord, j’ai constaté –sauf chez Hatier- la quasi disparition des documents intermédiaires, c’est-à-dire des documents accolés à la leçon. A la place, on trouve désormais tous les aide-mémoires possibles : fiches de révision, cartes mentales, frises, quizz, etc. Cela peut être le terreau de nos futurs « accompagnements personnalisés ». Les livres sont conçus pour tourner autour de dossiers de 4-5 documents. La longueur des questionnements s’est réduite.
Deuxième remarque, les usages du numérique ne sont pas encore très valorisés. Certes, tous les manuels ont un équivalent « numérique » mais je n’ai pas le sentiment que des cartes interactives ou des vidéos suffisent à faire le tour du sujet. Très peu d’éditeurs proposent, par exemple, des exercices B2i étoffés : à ce jour, je n’ai vu que Bordas le faire. Dans la majorité des cas, ou bien il n’y a pas d’exercice, ou bien cela se borne à une recherche rapide d’information.
Troisième remarque, le socle de compétences n’est pas toujours très lisible dans la pratique. Une courte majorité de manuels a pris soin de flécher un parcours cohérent et même, dans le cas du Livre scolaire, progressif. C’est cette édition qui me semble la plus aboutie en la matière.
Enfin, l’EMC est certainement la partie la plus disparate. Hatier a joué la sécurité avec un traitement conventionnel sous forme de dossiers/cours/exercices. D’autres éditeurs ont soit réduit le cours à la portion congrue, soit l’ont purement et simplement supprimé (Hachette, Livre Scolaire). L’EMC a certes une dimension plus pratique que la défunte « éducation civique » mais l’absence de cours peut traduire aussi une forme de facilité. A l’heure où les liens sociaux se détendent et où, il faut le dire, les professeurs sont de plus en plus pris à partie, je n’apprécie pas trop que la conclusion soit de notre seul ressort. Peut-être qu’à l’usage cela se passera plus simplement que je ne le pense!
Pour le niveau 5ème:
– MAGNARD : C’est celui qui m’a le moins plu. Le contenu des cours d’HG est assez bref et l’adéquation avec les nouveaux programmes n’est pas très nette, sauf dans le chapitre 1. Il n’y a pas de documents complémentaires associés au cours mais des cartes mentales pour les révisions. Je n’ai vu ni exercices B2i, ni liens clairs avec le livret de compétences. En EMC, il y a par contre plusieurs activités autour des débats ou des affiches qui sont intéressantes mais le cours est un peu chiche. Le livre est jalonné de vidéos-interviews, certainement intéressantes.
– HACHETTE (collection N. Plaza) : Comme le Magnard, le parcours de compétences n’est pas assez fléché dans les trois disciplines et les documents intermédiaires à côté des leçons ont disparu. Les dossiers sont par contre plus fournis, plus solides me semble-t-il sur le questionnement, et la cartographie, en Géographie, est plaisante. Les entrées de chapitre seront, je pense, très utiles au professeur pour sa propre introduction. L’EMC est traité de manière originale : il n’y a pas de parties dévolues mais une inclusion en fin de chapitre, tant en Histoire et qu’en Géographie. Voilà qui justifie l’ancrage dans nos disciplines de cet enseignement. Les entrées sont intéressantes et stimuleront certainement les élèves. Par contre, il n’y a pas de cours proprement dit, ni de documents hors des dossiers spécifiques. Quelques propositions d’EPI sont faites.
– LE LIVRE SCOLAIRE : Le manuel a supprimé, comme plusieurs autres éditeurs, les documents intermédiaires. Cela peut nous emprisonner dans des dossiers déjà constitués. Les questionnements sont meilleurs en Géographie qu’en Histoire me semble-t-il. Par contre, je n’ai pas vu d’exercices B2i. Le parcours de compétences est lisible et étagé : il permet de bien visualiser les différents niveaux d’acquisition des compétences par les élèves. C’est un vrai point fort. L’EMC se réduit à une succession de dossiers en fin de manuel, sans cours donc, ni exercice de révision. Le livre inclut des passerelles avec d’autres disciplines.
– HATIER : C’est le manuel qui, pour l’instant, paraît le plus homogène et le moins dépaysant. Les cours sont toujours plus volumineux qu’ailleurs, même s’ils ne jouent pas assez le jeu des nouveaux programmes à mon goût. Les dossiers sont nourris, le questionnement assez long et un peu plus abouti en Géographie. Pour le parcours de compétences, le fléchage existe mais il semble moins affiné que celui du Livre scolaire. C’est dans ce manuel qu’on trouve le plus d’exercices B2i. L’EMC est traité de manière conventionnelle, avec cours, documents et exercices. Les dossiers sont bien faits et il y a quelques exercices originaux.
– BORDAS : Le manuel est imprimé au format paysage ce qui est bien déconcertant de prime abord. Cela peut néanmoins se révéler utile pour les élèves qui ne prendraient qu’un livre pour deux. A voir. Il n’y a pas de documents intermédiaires à côté des leçons. Les dossiers sont classiques mais très bien reliés aux compétences, avec des exercices non-conventionnels. Quelques dossiers d’histoire des arts valent le détour (vitraux, portulans). On peut également remarquer des exercices d’entraînement plus nombreux que la moyenne avec, systématiquement, un exercice B2i et un exercice de « correction d’élève » sortant des sentiers battus. En Géographie, les cartes sont un peu décevantes et les dossiers, quoique diversifiés, sont assez courts. En EMC, c’est le compromis qui l’a emporté. Priorité est donnée aux dossiers avec, à l’issue d’un questionnement en 4-5 parties, un encadré de cours et un exercice « Débat » ou « A toi de jouer », etc.